Un bon désengagement des hanches est en fait un engagement du postérieur

Clio Marshall •

Qu’on le fasse dans le cadre des sept “jeux” de Parelli, comme un exercice de travail à pied plus large, pour apprendre à un cheval la jambe isolée ou en mouvement pour rattraper une connexion perdue en liberté par exemple, un critère est universellement non-négociable : le postérieur interne doit passer sous le centre de gravité.

Concrètement ça veut dire que le postérieur que l’on cherche à déplacer doit passer devant le postérieur externe, comme en direction de l’antérieur opposé. Ca semble évident en mouvement, mais ça peut devenir confus quand on le demande en statique.

Et quand on met le nez dans la biomécanique du cheval, on comprend bien que cet exercice qui peut sembler anodin ne l’est… absolument pas.

N’oubliez pas de toujours vous demander pourquoi vous demandez quelque chose à votre cheval, ça vous aidera à le demander correctement !

Le cheval n’est pas une espèce grégaire

Clio Marshall •

En sociobiologie, un animal grégaire vit en groupe, en banc ou en communauté mais sans structure sociale. Les blattes ou certains poissons évoluent par exemple dans un système grégaire.

Ses caractéristiques :

  • vie en groupe très proche assurant la survie ;
  • pas de réelle coopération ;
  • pas d’attachement interindividuel.

Il n’y a pas d’affinités, pas de reconnaissance individuelle.

Les chevaux évoluent eux dans un système basé sur la communalité : il n’y a pas de spécialisation des tâches dans l’organisation du groupe, tous participent à sa survie. Les adultes élèvent l’ensemble des petits et créent des liens d’affinités profonds et durables.

Certains animaux qui ne sont pas grégaire au sens biologique du terme peuvent toutefois exprimer des comportements grégaires, qui s’expriment dans des situations où un groupe d’individu réagit de manière cohérente, sans aucune coordination entre les individus. Certains avancent que sous l’apparence d’une entité unique, chaque individu agit de manière égoïste pour son propre bien-être.

Les comportements grégaires varient d’un cheval à l’autre, sont influencés par la génétique et les expériences passées, et peuvent évoluer dans le temps. Ils sont un trait de tempérament et non une fatalité.

Source : Marie Sutter, AnimHo Formation FCA, aquaportail.com

Filets à foin : un avis

Clio Marshall

Vous avez été plusieurs à nous poser des questions sur les filets à foin. Voici donc mes réponses, basées sur mon expérience et les recherches que j’ai pu faire sur le sujet. Je m’occupe depuis bientôt quatre ans (quatre ans déjà !) de deux petits troupeaux de Chevaux de Skyros (les chevaux de Bouillon de Poney), dans le Trièves. Le Cheval de Skyros est un cheval miniature d’un mètre dix, qui a la particularité d’être fin. Très fin. Et j’ai observé que ceux dont je m’occupe avaient plutôt tendance à prendre du poids, progressivement, d’année en année. Plusieurs raisons à ça.

  1. Les Chevaux de Skyros sont originaires de Grèce, ils sont faits pour sucer des cailloux une bonne partie de l’année.
  2. On est en altitude, le printemps arrive tard mais il dure longtemps. L’herbe peut être verte d’avril à novembre les bonnes années.
  3. Pour préserver mes prairies, les chevaux attaquent une pâture lorsque l’herbe est autour des 15 cm et la quittent lorsqu’elle descend à 5. Donc ils y sont quand elle est riche.
  4. Les agriculteurs du coin à qui j’achètent mon foin font du bon foin. Il est beau, il sent bon, il est riche.
  5. Avec le nez dans le râtelier tout l’hiver, les chevaux finissent l’hiver au moins aussi gras qu’il ne l’ont commencé. Et comme ils grossissent forcément au printemps à cause de l’herbe… Vous voyez le cercle vicieux ?

Une fois le problème posé, il a fallu trouver sur quels leviers je pouvais faire pression. Les 1 et 2, je n’y peux rien. Le 3 est non négociable, j’ai besoin de prairies en bonne santé et mon ancien patron me tuerait si je ne suivais pas ses précieux conseils. Le 4, éventuellement. Le 5, carrément.

Pour jouer sur le levier 5, j’ai deux solutions : rationner, ou ralentir l’ingestion. Ce qui veut dire qu’en fait, je n’en ai qu’une, de solution, puisque rationner est totalement contre productif et hautement déconseillé. Me voilà donc partie à la recherche d’un filet à foin.

Une fois que j’en ai trouvé un qui me parait pas mal, fabriqué main, chez nos amis les anglais, appuyé par des recherches scientifiques et testé et approuvé par plusieurs connaissances de confiance, je décide de le tester moi-même. C’est assez facile parce que j’ai deux troupeaux (un test et un témoin) et une dentiste qui passe tous les ans et qui connait bien les poneys (je m’inquiète, comme tout le monde, de l’impact du filet sur leurs dents).

Pendant l’hiver, j’ai redécouvert qu’Iti, Iota et Echo avaient des côtes. À la fin de l’hiver, ils avaient un poids idéal, un peu en dessous de leur poids de forme, parfait pour affronter le printemps et ses excès. Je n’ai pas eu besoin d’actionner le levier 4 en leur donnant un moins bon foin ou de la paille. Leur filet n’a jamais été vide, ils n’ont montré aucune frustration, aucun comportement indésirable, pas d’augmentation des comportements agressifs non plus. Ce qui m’a le plus surprise, c’est que lorsque je leur posais un quartier de foin au dessus du filet les jours de grosse neige, ils l’ignoraient bien souvent et continuaient à grignoter leur filet.

Je n’ai observé aucun problème de gencive pendant l’hiver. La dentiste n’a observé aucune différence entre les dents d’Iti, Iota et Echo et les dents des deux autres, le troupeau témoin. Ce que j’aime surtout, et c’est là que je voulais en venir lorsque je vous disais que les filets peuvent permettre de recréer le comportement de recherche que les chevaux déclenchent naturellement lorsqu’ils broutent, c’est que les poneys broutent leur foin. En statique plutôt qu’en marche, évidemment, mais le comportement d’ingestion avec ce filet ressemble fichtrement au comportement d’ingestion d’un cheval à l’herbe, et je vous laisse l’observer par vous-même en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=8qhUbsXa1KM.

On a pas pour habitude, chez Bouillon de Poney, de faire de la pub pour des produits. On est pas des commerciales, on a aucun partenariat avec qui que ce soit et on est bien comme ça. Mais on a décidé de faire une petite exception pour celui là parce qu’il a radicalement changé la vie de notre troupeau de Skyros, qui a pu apprécier pleinement son printemps luxurieux et qui attaque maintenant l’hiver avec un très léger embonpoint, juste ce qu’il faut pour supporter les premiers froids. Le filet en question s’appelle le Trickle Net. Je ne vous dis pas là qu’il est le seul bon filet à foin. Encore une fois, je ne vous donne ici que mon expérience, parce que d’un point de vue comportemental, ce filet coche toutes les cases.

Légère précision : ce filet ne permet aucun gaspillage. C’est un très bon outil économiquement parlant, mais il demande aussi une certaine vigilance. Les bottes de foin contiennent toujours un léger pourcentage de refus, et c’est à nous de veiller à ce que les chevaux aient toujours un aliment de qualité (plus ou moins riche) à brouter ; donc d’enlever régulièrement ces refus.

PS : Si votre filet vous apporte la même satisfaction, alors c’est merveilleux, gardez-le précieusement.

Clarté

Clio Marshall

Aujourd’hui je voudrais prendre cinq minutes pour vous parler de L. et Clarté. Promis je fais court.

Clarté c’est une jument pour laquelle j’ai été appelée (moi, Clio, nerd du comportement), pour un souci de cabré en balade, ou au départ de balade. Je me souviens être arrivée à la première séance, L. était en train de poser la selle sur le dos de la jument alors que je descendais de ma voiture, et je me suis dit “OK, on va tout reprendre”. Attitude figée, le corps tendu, il y a avait déjà bien des choses à régler avant de pouvoir poser les fesses sur Clarté.

L. a tout enlevé, on a remis la jument au pré et on a tout repris. On a passé quelques séances à travailler sur son manque de proprioception et ses signaux de communication, l’ostéo est passé une fois entre-temps remettre tout ça d’aplomb, on a mis le pied à l’étrier, confiantes, et… la jument s’est pointée.

Ça a été un coup dur pour L. qui s’est dit, à juste titre, “Tout ça pour rien”. Moi j’ai un peu l’habitude de ce genre de situations et j’ai appelé ma collègue Tasmin Roberts pour une séance à deux parce que j’avais besoin d’un point de vue locomoteur, pour confirmer que le problème n’était pas (plus) comportemental. Ensemble on a tout repris, on a détricoté quelques petits détails, on a questionné, essayé, écouté, clairement, ce que la jument avait à nous dire, et on a finalement demandé à L. de faire des radios. Ce qu’elle a fait.

La jument souffre de bec de perroquets et d’un rétrécissement du ligament sous épineux derrière le garrot. Clarté se pointe parce qu’elle souffre. Pas pour toutes les excuses que les professionnels contactés par L. auparavant, ou ses camarades d’écurie ou de Facebook pouvaient lui marteler. Non elle se pointe parce qu’elle a mal. Elle subi cet inconfort au quotidien, elle tolère la douleur dans les diverses activités que lui propose L. mais lorsqu’on tente de lui monter dessus, elle se pointe, parce qu’elle souffre.

Les séances de travail préliminaires au diagnostique ont permis d’apporter du bien-être à la jument, et de rétablir une communication saine entre L. et Clarté. Ces séances leur ont permis d’apprendre à se comprendre : L. a appris à lire sa jument et Clarté a réappris à s’exprimer. Ces séances ont aussi permis d’écarter une piste (la piste comportementale) parce que c’est ça, notre travail au Collectif : écarter des pistes, réduire le spectre, et trouver le problème, le vrai.

Je remets ça là pour ceux qui ne l’auraient pas encore imprimé et affiché dans leur sellerie : https://www.saddleresearchtrust.com/…/Ridden-Horse-Pain…

Et merci à L. pour sa patience, sa confiance et l’amour qu’elle porte à sa jument.

Le régime, pas si facile

Clio Marshall

Allez, cette fois c’est officiel, il fait froid (ou presque), il pleut, il neige, il vente, c’est l’hiver avec un grand L apostrophe. Bien qu’on en profite, nous, pour enchaîner raclettes et repas de Noël afin de remplir nos petites poignées d’amour, les chevaux, eux, devraient plutôt en perdre. Et je me permets de faire ici une généralité parce qu’une IMMENSE majorité des chevaux que l’on fréquente dans notre beau pays qu’est la France est en surpoids.
L’idée est simple. Un cheval doit sortir de l’hiver prêt à affronter la richesse de l’herbe du printemps. Si on ne profite pas de ces quelques mois pour lui faire perdre ses kilos en trop, l’herbe verte ne viendra qu’engraisser un cheval déjà lourd et les beaux jours apporteront leur lot de problèmes : fourbure, dermite, boiterie, arthrose et j’en passe. Au printemps, il sera trop tard. Il est beaucoup, beaucoup plus facile de faire perdre du poids à un cheval l’hiver.
Croyez-moi, il vaut mieux que votre cheval finisse l’hiver comme le grand Digger que comme la petite Sweep. Son printemps n’en sera que plus heureux !

Le premier réflexe, lorsqu’on veut faire perdre du poids à son cheval, c’est de baisser ses rations. S’il est complémenté c’est une bonne idée, à condition de veiller à ce que les rations restent équilibrées. Si le cheval est au foin, par contre, c’est contre-productif. S’il est une chose sur laquelle on ne peut JAMAIS négocier, c’est l’apport de fibres 24h/24.
Pourquoi me direz-vous ? C’est très simple. On passera pour cette fois sur les dangers médicaux d’une restriction (coliques, ulcères, développement de stéréotypies et j’en passe) pour se concentrer sur le cœur de notre problème de cette semaine, le régime. C’est très simple, en fait.

  1. Le cheval est fait pour manger 15 à 18h par jour, en petites coupures.
  2. Le manque, ou la peur du manque, est un facteur de stress pour le cheval.
  3. Le stress met le cheval en état d’alerte et son corps se prépare aux éventuels dangers, tels que la famine.
  4. En prévision, le corps stocke du gras.
  5. On se retrouve avec ce poney qu’on connaît tous qui ne reçoit que deux minuscules rations de foin par jour et qui continue à grossir.

Le stress est un PUISSANT facteur d’obésité. Rationner un cheval, le priver de foin même dix minutes, c’est le mettre en situation de stress. Et je reformule une dernière fois, parce qu’on ne le dira jamais trop : pour faire perdre du poids à un cheval, il faut d’abord et avant tout lui offrir une source de fibre 24h/24.
Deux choses que je pose là au cas où :

  • Si votre râtelier est vide, ou qu’il n’y reste que du foin moisi ou sale lorsque vous venez le remplir, c’est que votre cheval a manqué. Même dix minutes, il a manqué.
  • Le cheval dort tout au long des 24h qui composent une journée, sous forme de petites siestes. La nuit, il passe donc une grande majorité de son temps à manger.

Offrez une source de fourrage à votre cheval 24h/24.

Une fois qu’on s’est organisé pour que notre cheval ait accès à une source de fourrage 24h/24, on peut se pencher sur d’autres facteurs qui entrent en compte dans sa prise (ou sa non perte) de poids.

  • La capacité d’ingestion
    On l’a dit hier, le cheval est fait pour manger 15 à 18h par jour en petites coupures (on ne le répétera jamais assez). Et le terme “petites coupures” a toute son importance. Lorsqu’il met le nez dans la botte de foin, exit tout le processus de repérage, de tri, de sélection, de grignotage que l’on observe lorsqu’un cheval broute. C’est par bouchées entières qu’il retire le foin du râtelier, en jetant une bonne partie par terre au passage. Bon nombre de propriétaires utilisent aujourd’hui des filets à foin. Sans trop nous attarder aujourd’hui sur leurs atouts et inconvénients (on y reviendra si vous le voulez), il y a une chose que vous devez observer pour juger de l’efficacité de votre filet à foin : la quantité retirée à chaque bouchée. Si votre filet est vide en deux heures, alors il est inutile. Si votre cheval mange son foin par grosses bouchées malgré le filet, alors celui-ci n’est peut-être pas assez efficace.
  • La richesse du fourrage
    Luzerne et foin de regain sont à éviter pour les chevaux en surpoids. On leur préférera du foin de première coupe, voire, pour les chevaux vraiment gras, du foin un peu grossier ou de l’année dernière. On peut aussi compléter le foin avec un peu de paille classique (surtout dans un filet, où le cheval ne pourra pas trier) ou de la paille d’avoine (un peu plus riche), ou encore tremper le foin avant de le donner (il laissera une bonne partie de ses sucres dans l’eau). Bref, de nombreuses techniques existent pour appauvrir la fibre donnée l’hiver.
    Attention surtout à bien complémenter votre cheval en minéraux et vitamines, et à surveiller son apport en sel ainsi que son accès à l’eau !
  • Le mouvement
    Trop facile de rester le nez dans le foin, les fesses au vent ! Et surtout, tout sauf naturel. Dans la mesure du possible, essayez de pousser votre cheval à se déplacer dans son pré, en éloignant l’eau ou le sel, en le sortant en main, en répartissant les filets à foin à plusieurs endroits etc…

Ça demande un petit effort de réflexion et d’organisation, il faut peut-être changer une ou deux habitudes, mais c’est essentiel pour le bien-être des chevaux. Et bien souvent bénéfique pour le porte-monnaie !

Et pour avoir testé tout ça sur nos Chevaux de Skyros, on peut vous assurer que ça marche !

Maintenant c’est chouette, vous avez réussi à vous organiser, votre cheval a maintenant une source de fourrage disponible 24h/24 et on s’est arrangé pour que ce fourrage ne soit pas trop riche. Il reçoit son CMV, il a son apport en sel et un accès à de l’eau propre à volonté. Tout est réuni pour qu’il se régule et perde du poids. Tout ? Non. Une petite donnée qu’on oublie souvent résiste encore et toujours à ce super régime.
Cette petite donnée, c’est la leptine.

La leptine, c’est ce qu’on appelle aussi parfois l’hormone de satiété. Elle est sécrétée par les tissus adipeux blancs (plus communément appelés la graisse), et elle se rend dans l’hypothalamus pour informer le cerveau que le cheval a eu assez à manger. Grâce au sentiment de satiété, il réduit sa consommation, et tout est parfait.

Maintenant si on reprend notre poney en surpoids. Le surplus de graisse va créer une inflammation au travers de substances qu’on nommes les cytokines. Or, les cytokines endommagent la partie de l’hypothalamus qui reconnait et traite la leptine. Notre poney sera donc incapable d’atteindre un seuil de satiété, et va continuer à manger, accumulant encore plus de graisse, qui vont renforcer l’inflammation et rendre le cerveau de plus en plus sourd au appels de la leptine. Notre poney est entré dans un vilain cercle vicieux.
Ce qui explique que lorsque que vous mettez votre cheval obèse au foin à volonté, il continue à prendre du poids. Il est devenu résistant à la leptine. Deux choses.

  • Un régime sain prend du temps. Soyez patients et acceptez qu’il prenne quelques kilos de plus les premières semaines (on est plus à ça près, et pour les sujets à fourbure, c’est moins dangereux de faire ça à cette période qu’au printemps).
  • Traitez l’inflammation. Graines de shia, curcuma, oméga 3, vitamines A, C, E, huile de pépin de raisin, thé vert, spiruline ne sont que des exemples de complément qui viendront aider l’hypothalamus à retrouver un fonctionnement sain, et ainsi aider votre cheval à retrouver un sentiment de satiété et un équilibre.

Une dernière chose. Lorsque le cheval est soumis à un stress, il fait des réserves et augmente donc sa masse graisseuse (et renforce l’inflammation et la résistance à la leptine). L’un des plus gros stress qu’il connaisse, c’est le manque de nourriture (ou la peur du manque). Vous trouvez que j’insiste ? Oui, mais vraiment j’insiste. Certains chevaux ont été rationnés pendant des années. Certains chevaux ont grandi et vécu une bonne partie de leur vie avec la peur du manque. Pour eux, ce stress là est profondément ancré. Soyez patients, et soyez constants en ne laissant jamais leur râtelier se vider.

Allez, on fait le point ?

Pour ce cheval qui semblerait un peu gras (il existe de très bonnes échelles pour juger du poids d’un cheval, comme celle-là par exemple https://www.foxvalleyequine.com/body-condition-score-chart/).
On profite de l’hiver pour lui faire perdre du poids.

  1. On s’assure qu’il ait du foin à volonté, un CMV, un apport en sel et un accès à de l’eau propre.
  2. On vérifie qu’il ait bien accès à du fourrage 24h/24.
  3. On s’en assure une troisième fois.
  4. On fait attention à la qualité du fourrage qu’on lui donne (pas trop riche).
  5. On traite l’inflammation de l’hypothalamus.
  6. On se montre patient.
  7. Au printemps, on savoure le résultat de nos efforts. Et on constate que notre porte-monnaie lui aussi est content !

Tout ce dont je vous ai parlé cette semaine, je l’ai appliqué ici sur les Chevaux de Skyros dont je m’occupe. D’abord sur Pepper, parce que son obésité lui causait de gros problèmes de santé, et puis sur les autres, pour empêcher l’engrenage. Les résultats sont là. Je ne reviendrais sur ces changements pour rien au monde.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter ces articles :▶️ http://gettyequinenutrition.biz/…/Thesecrettohealthyhorses.…▶️ http://www.techniquesdelevage.fr/entretenir-un-cheval-au-pr…

Et je vous invite à lire ça ▶️ https://www.institut-benjamin-delessert.net/…/POITOU__CLEME… et surtout ça ▶️ http://gettyequinenutrition.biz/…/Obesity.therealcause.ther… qu’on ne citera jamais assez. Merci, merci, merci Juliet.

Le comportement alimentaire et son rôle dans la gestion du poids

Clio Marshall

Quand on pense à l’alimentation d’un cheval, on pense souvent à la nutrition pure et on oublie (moi la première) le comportement alimentaire. Quand j’ai réalisé ça, ce matin en promenant les chiens, après avoir tourné le sujet de l’obésité dans tous les sens dans mon petit cerveau, j’ai réfléchi aux chevaux que je fréquente, ou pour lesquels on me contacte, et j’ai décidé de poser l’hypothèse suivante en étant sûre de pouvoir rester relativement droite dans mes baskets en cas de coup de vent de révolte : le problème de bon nombre des chevaux en surpoids, ce n’est pas ce qu’ils mangent mais comment ils le mangent. Attention, je vais vous pondre un petit pavé.

On commence à accepter maintenant (je laisse quand même le “commence” parce que certains peinent toujours à passer le cap, à en juger par l’alimentation d’encore beaucoup de chevaux en clubs ou dans certaines écuries), donc, on commence à accepter maintenant qu’un cheval passe 60% de son temps à manger, soit 15 à 16h par jour. On commence à accepter aussi que le gros de son alimentation doit être de la fibre, parce que c’est ce qu’il est conçu pour digérer le mieux, et on reconnaît de mieux en mieux les problèmes de santé directs qui vont avec une mauvaise alimentation, comme les ulcères par exemple. On en entend pas mal parler et c’est un premier pas capital (ne cessons surtout pas, certains ont l’oreille dure) mais comme toute idée évidente connue depuis la nuit des temps, niée pendant des décennies, et qui fait aujourd’hui son grand come back (il y en a pas mal en ce moment et pas que dans le monde du cheval) on la malmène un peu, on la sort de son contexte et on la prive de ses nuances. Aussi, je lis régulièrement des vendettas contre les filets attachés en hauteur et je vois de pauvres cavaliers se faire insulter parce qu’ils donnent ENCORE des céréales à leur cheval. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on oublie tout un pan de l’alimentation du cheval, le pan comportemental, qui n’est pourtant pas négligeable parce que c’est 60% de son temps. C’est comme faire une thérapie sans jamais aborder le sujet du travail, là où tu passes ta journée quoi.

Ce qu’on oublie de mentionner, par exemple, c’est que la belle image du cheval en Normandie dans un pré plat vert fluo qui fait tant rêver (moi la première, un jour j’aurai de belles lisses en bois) ne fait certainement pas fantasmer les chevaux, parce que, contrairement aux idées reçues, ces derniers ne mangent pas qu’au sol et surtout pas qu’une seule herbe. Oui, les chevaux broutent la tête au sol une majeure partie de leur temps, mais ils cherchent aussi une alimentation complémentaire dans les branchages, les arbres et les buissons (alimentation complémentaire dont on les prive bien souvent en éliminant tout ça des parcs). Surtout, les chevaux passent leur journée à trier, et si vous ne l’avez jamais observé je vous invite à le faire parce que c’est passionnant. Ils avancent lentement, le nez au sol, la lèvre supérieur en action, choisissant leurs variétés préférées et laissant les autres de côté pour plus tard. Oui, ils coupent l’herbe avec leurs incisives, mais il se passe avant ça tout un travail merveilleux de recherche et de sélection, comme moi lorsque j’ouvre mon placard pour choisir mon thé (c’est un peu le bazar dans ce placard).

Lorsqu’on leur met un râtelier à foin pour l’hiver, parce que l’herbe n’est plus assez riche ou qu’il n’y a tout simplement plus d’herbe, on les prive de ce comportement alimentaire. On leur offre un Starbucks à volonté, en bas de chez eux. Alors oui, on leur apporte une source de fourrage qui constituera l’intégralité ou une grosse proportion de leur alimentation, ce qui est bien, mais on ne prend en compte qu’une partie du problème. On oublie la bigger picture et on s’étonne des conséquences sur lesquelles on pose de petits sparadraps. En mettant un râtelier dans le pré de son cheval, on satisfait son besoin de fibre mais on le prive d’un comportement qu’il utilise normalement 15 à 16h par jour. Certains le vivront surement très bien (du moins en apparence) mais est-ce qu’on peut vraiment s’étonner que ça ait un impact sur le comportement général de la plupart d’entre eux ? (Si votre réponse est oui, repensez au confinement).

On en oublie aussi tous les problèmes de santé que j’appellerai vulgairement secondaires dans le sens où ils sont causés par le stress ou les mauvaises habitudes alimentaires d’un cheval mais pas l’alimentation pure, comme par exemple notre ami Surpoids (qui vient rarement seul, en général il appelle tous ses copains Fourbure, Dermite, SME et j’en passe) notre amie l’Anxiété, ou encore notre meilleure ennemie l’Agressivité.

Vous voyez surement où je veux en venir avec ça : heureusement qu’on a inventé les filets à foin ! Oui mais c’est pas si simple. Déjà parce que 90% des filets à foin que je vois chez les cavaliers ne permettent pas au cheval de reproduire ce comportement alimentaire de recherche. Ensuite parce que personne n’explique aux cavaliers comment ça marche vraiment et pourquoi beaucoup pensent que ça ne marche pas ou que “mon cheval n’est pas fait pour ça”. Les seuls arguments commerciaux des filets à foin sont économiques (pas de gaspillage) ou mensongers (avec ça il perdra du poids parce qu’il mangera moins). Deux choses.

  1. Imaginez un cheval qui a posé sa tête dans un râtelier il y a dix ans et ne l’en a jamais enlevé, si ce n’est pour aller bosser ou brouter de temps en temps avec les potes. Maintenant mettez ce cheval devant un filet à foin à petites mailles. “Allez petit, retrouve tes comportements inhibés depuis si longtemps et comprend de toi-même comment ça marche sans avoir peur de manquer.” Est-ce que j’ai besoin d’insister sur le non sens ? Tous les chevaux sont faits pour manger dans un filet à foin (ce qui ne revient pas à dire que tous les chevaux devraient avoir un filet à foin, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit). Si votre cheval le déchiquette, se frustre, s’énerve ou développe des comportements agressifs ou de protection de ressource, le problème ne vient pas du filet mais de son rapport à la bouffe. Ça s’appelle un trouble alimentaire et ça se soigne (mais pas comme ça à l’arrache avec un filet).
  2. L’intérêt d’un filet à foin, c’est d’amener le cheval à reproduire ses comportements alimentaires innés et donc à réduire son ingestion (et pas l’inverse, et pas seulement la deuxième partie de la phrase). Le trait de caractère principal de l’alimentation naturelle du cheval, c’est l’abondance. Un cheval ne devrait jamais venir à bout de son filet, ou vous ruinez tout l’intérêt dudit filet. Le manque crée un stress chez le cheval bien plus puissant qu’on imagine, sur lequel je me suis déjà étalée donc je n’insisterai pas plus (mais vraiment, rationner un cheval, c’est la contre-productivité à l’état pur).

Le deuxième point qui me vient à l’esprit lorsque je réfléchi au surpoids de nos chevaux, c’est l’exercice. On sait bien que de bonnes habitudes alimentaires ne suffisent pas toujours et que l’activité physique joue un rôle essentiel dans la perte de poids ou dans l’entretien. Pourtant j’entends là aussi de terribles non-sens.

Par exemple, j’ai appris à mes dépends que faire un travail relativement physique (je ne porte pas des briques mais je me dépense quand même dehors une bonne partie de la journée) ne m’aidera absolument pas à transformer mon petit ventre en tablette. Mes jambes et mon dos ont appris à compenser pour tout le reste parce que c’est plus facile pour moi et je me maintiens très bien dans ce petit schéma pas très sain, merci beaucoup. Je suis toujours surprise quand j’entends les propriétaires s’étonner du surpoids de leurs chevaux “alors que quand même, on sort en extérieur en balade en main au moins deux fois par semaine”. Un bon point pour la balade en main plutôt que montée, un bon point pour la balade en extérieur, mais une rectification : une balade en extérieur est un enrichissement cognitif, pas un exercice physique. En se promenant en main, le cheval en surpoids, au dos creux et sans abdos, ne va pas se dire de lui-même “tiens, je vais me faire chier pendant une heure à me tenir correctement pour me muscler dans le bon sens et pouvoir un jour la porter (et en plus, super, ça me fera perdre un peu de gras)”. Surtout, cette balade en main, c’est presque un du, en fait. Oui parce que pour faire bien, un cheval devrait marcher toute la journée pour trouver à manger. Or face au râtelier, il est bien souvent statique. Donc cette balade d’une heure finalement, c’est la moindre des choses… (Même si ce n’est pas tout à fait vrai parce que normalement le cheval se déplace pour et en mangeant alors que nous, la plupart du temps, on les empêche de manger pendant la balade parce qu’on a un but bien précis à atteindre mais bref, le sujet n’est pas là.)

Quand on prends les choses sous cet angle on passe à côté de ceux points.

  1. Un cheval peut bien vivre son surpoids. Ce qui devient problématique, c’est quand on lui demande d’être un athlète.
  2. Le sport c’est régulier, par petites sessions progressives, pour faire travailler et évoluer les muscles correctement.

Oui parce que contrairement à l’idée véhiculée par Yakari et Petit Tonnerre, les chevaux ne sont pas faits pour être montés (de même que les chats ne sont pas faits pour vivre à plusieurs, vous le savez ? Moi j’ai appris ça l’autre jour). Notre travail, AVANT de monter sur un cheval (et je n’insisterai jamais assez sur le AVANT) c’est de le muscler correctement pour qu’il puisse nous porter sans contrainte (ce qui est tout à fait possible, ouf). Donc, à partir du moment où l’on envisage de monter notre cheval (ou de l’utiliser pour de la traction), on fait de lui un athlète. Pas besoin qu’il ressemble à Shwarzy hein, mais quand même, un cheval monté est un sportif. Et un corps de sportif ça s’entretient. D’où les nombreux problèmes rencontrés par les promeneurs du dimanche et par les cavaliers pressés qui ont fait les choses à l’envers et ont monté leur poney avant de lui apprendre à porter.

Donc, à partir du moment où l’on fait une activité avec notre cheval qui implique de porter ou tirer, le surpoids devient problématique. Et faire perdre du poids à un cheval ou le muscler, une fois qu’on a réglé le problèmes des habitudes alimentaires, c’est bien souvent chiant (moi par exemple je trouve ça passionnant à réfléchir et organiser mais contraignant à réaliser concrètement). Ça consiste surtout en de petits exercices à pied, sur de courtes séances, il faut parfois de la préparation logistique (barres au sol par exemple) ou de la chance dans la location (dénivelé, ruisseau ou autre), et il faut surtout de la régularité (et donc parfois, avouons-le, du courage). Muscler son cheval (et encore une fois, qu’on le veuille ou non, c’est directement lié au problème de l’obésité chez les chevaux), muscler son cheval, donc, ce n’est pas anodin. Vingt minutes de longe le nez en l’air ne vont pas aider, une heure de balade à pied sur du plat on plus, et, selon d’où l’on part, une heure de travail monté non plus. Mais c’est possible, c’est fichtrement intéressant, ça combine plein de savoir-faire et c’est hyper valorisant, pour l’un comme pour l’autre.

Pour plus d’info, je vous invite à lire tous les articles écrit par Chloé Vic à ce sujet.

Le dernier point qu’il me semble important d’aborder quand on parle du régime des chevaux et du problème de surpoids, c’est la bonne santé de nos prairies. En arrivant dans le Trièves, j’ai appris à baisser la tête lorsque je dis que j’élève des chevaux, et j’avoue que je comprends pourquoi les agriculteurs sont de plus en plus réticents à l’idée de nous louer des prairies. Certes, les chevaux sont de mauvais mangeurs, mais nous, les propriétaires, sommes bien souvent de mauvais gestionnaires. Par manque de connaissances d’une part, parce que de plus en plus de cavaliers gèrent leurs propres prairies (et parce que de nombreux propriétaires de clubs ou pension n’ont jamais suivi un cours de gestion de prairie). Par manque de place d’autre part, parce qu’il y a de plus en plus de chevaux et de moins en moins d’herbe. Sauf qu’à sacrifier des parcelles par mauvaise gestion, on sacrifie par la même occasion la santé de nos chevaux. Les prairies sont précieuses et ça ne va pas aller en s’améliorant.

Des alternatives se mettent en place, comme par exemple les systèmes de pistes, le pâturage dynamique, au fil, ou encore les écuries active, mais toutes ces pratiques doivent être réfléchies en amont pour respecter les habitudes alimentaires du cheval au mieux et ne pas, à leur tour, créer une avalanche de conséquences néfastes pour la bonne santé des chevaux, ou des prairies elles-mêmes.

Je m’étendrai moins sur ce point parce que je suis loin d’être une experte et d’autre le font bien mieux que moi. Mais lisez. Formez-vous. Questionnez. Discutez. Acceptez de vous tromper. Faites au mieux. Ne prenez que la science pour acquis. Et ne sous-estimez pas l’agriculteur du coin.

Je vous laisse avec cette citation que j’aime fort du Dr Andrew Hemmings à propos des habitudes alimentaires de nos chevaux domestiques.”Our feeding practices are out of date – 50 million years out of date.” (“Nos pratiques alimentaires sont dépassées – dépassées de 50 million d’années”)

Le conflit de motivation

Clio Marshall

Vous connaissez ce sentiment bien particulier, lors de ce premier rencard auquel vous avez vraiment envie d’aller mais qui vous angoisse profondément ? Ou lorsque vous renouez avec un très bon ami perdu de vue il y a quelques années ? Ou encore lorsque vous retrouvez toute la bande de copains après un long voyage ? Vous êtes contente, excitée, vous avez mis un bon moment à choisir votre tenue et là, dans le métro, vous avez dix pensées à la seconde. “Et si on a plus rien à se dire ?” “Qu’est-ce que je fais si elle est moche ?” “Est-ce qu’ils vont trouver que j’ai changé ?” “Et si je ne le fais plus rire ?” “Est-ce que mon ex sera là ?”
Alors en arrivant, vous avez déjà fumé douze clopes, votre ongle de pouce a disparu, vous vous approchez pour faire la bise, à gauche, merde, à droite, “oh pardon”, vous êtes rouge fluo et la voix un peu tremblante, vous attrapez le serveur pour commander une grosse pinte. “Et merde, j’ai dit une grosse pinte, la honte, pour qui il va me prendre ?” Vous êtes là, en face de cet ami merveilleux qui vous raconte sa vie fantastique, et la votre vous paraît d’un coup bien insipide. Alors vous en rajoutez un peu, vous romancez certains passages, vous vous lancez dans un récit qui vous échappe et ça se sent. Vous parlez beaucoup, vous riez fort, vous vous entendez dire des choses que vous n’auriez jamais dites en temps normal. Et puis, après encore sept cigarettes, un demi et trois passages aux toilettes, ça se pose. Vous retrouvez votre vieil ami exactement comme vous l’aviez laissé, vous n’avez plus rien à prouver à personne, vous commencez à trouver (ou retrouver) votre place dans cette relation, aussi éphémère soit-elle. Alors seulement, vous pouvez envisager de ranger votre paquet de clopes, descendre d’un octave, poser vos mains sur la table et souffler un coup.
Ce sentiment, c’est un mélange d’excitation et d’angoisse, d’envie et de peur. Ce sentiment partagé crée un conflit en vous, qu’on appelle un conflit de motivation. Et toutes ces petites choses que vous mettez en place, vous ronger les ongles, vous toucher les cheveux, fumer, boire, gigoter du pied, ce sont des comportements de substitution.

Les relations ne sont pas blanches ou noires. Elles se construisent de vécu, de joie, de drames et d’excuses, mais aussi de contextes, d’humeurs et de besoins à un instant T. Elles ne sont pas figées, elles s’entretiennent et se déchirent, elles se regrettent et se retrouvent. Les relations peuvent créer des conflits de motivation. Et les relations inter-espèces ne font pas exception, bien au contraire. Notre simple présence ou proximité peut engendrer un conflit de motivation chez le cheval, tout comme une incohérence au niveau des techniques de travail.
Un conflit de motivation, ça se règle. Mais pour ça, il faut d’abord les reconnaître et interpréter correctement les signaux d’apaisement et les comportements de substitution ou de distanciation qu’ils peuvent engendrer. Ensuite, reste à trouver la source du conflit.

La loi des facteurs limitants

Clio Marshall

Vous connaissez la loi des facteurs limitants ? C’est en parlant du bilan de Kinixys avec le Bûcheron que j’en ai découvert l’existence, lorsqu’il a lancé avec une désinvolture presque moqueuse un “ah oui, c’est la loi des facteurs limitants quoi”.

La loi des facteurs limitants, c’est donc ce sur quoi s’est construite l’Approche Globale de Bouillon de Poney, mais sans le savoir.

Imaginons que vous ayez une barrique. Chaque planche correspond à un élément indispensable (eau, soleil, azote etc…), et le niveau d’eau correspond au rendement d’une culture. L’idée de la loi du minimum, comme elle est aussi appelée, c’est que le niveau d’eau sera limité à la planche la plus courte. Le rendement sera limité par celui des éléments qui vient à manquer en premier. En d’autres termes et pour reprendre l’exemple donné par le Bûcheron, si vous manquez de soleil, il ne sert à rien d’ajouter de l’eau.

Lorsqu’il y a quelques années, j’ai proposé à Tasmin de compléter mes analyses comportementales avec ses compétences ostéopathiques, c’est parce que j’étais très souvent confrontée à ces facteurs limitants. Imaginons que le bien-être du cheval soit le niveau d’eau, et les planches les différents éléments nécessaires à ce bien-être. J’ai beau travailler les problèmes comportementaux de ce cheval autant que je le veux, si les conditions de vie ne suivent pas, si les blocages physiques ne passent pas, alors mes progrès seront de fait limités. Et ne laissez personne vous persuader du contraire. La prise en charge d’un cheval (et, dans un sens plus large, du couple cavalier-cheval), que ce soit dans une optique de bien-être et/ou de performance, nécessite une approche globale qui prend en compte un nombre conséquent d’éléments indissociables.

C’est pour ça qu’aujourd’hui, le Collectif de Bouillon de Poney choisi de proposer aux cavaliers qui le souhaitent des bilans complets, en présence de trois ou quatre professionnelles aux spécialités complémentaires. Parce qu’on ne peut pas simplement clouer une planche neuve sur la barrique, ces bilans nous permettent d’estimer les différents facteurs limitants et de les corriger, un à un, de façon progressive et cohérente. Cette Approche Globale nous permet d’adresser les problèmes à leur cause plutôt que de poser de petits sparadrap tout au long du chemin. Elle mène à un équilibre sain, stable et durable.

(Les éléments que j’ai mis sur cette barrique ne sont que des exemples, mais oui, vous pouvez bien y voir un petit message subliminal que je n’ai pas fini de vous faire passer.)

Les risques du monologue

Clio Marshall •

C’est l’histoire de ce copain qu’on a tous plus ou moins. Vous savez ? Celui qui ne vous écoute pas parler. Enfin, quand il vous laisse parler, parce que réussir à en placer une, avec lui, c’est déjà pas gagné. Mais quand vous arrivez à répondre à sa question, sa simple question, ce petit “ça va ?”, lorsqu’il croque dans une pomme et que, la bouche pleine, il vous fait ce signe qui pourrait aussi bien vouloir dire “allez développe” que “t’en veux pas une ?” alors vous vous jetez sur l’occasion et vous osez lui parler de cette chose qui vous trotte dans la tête depuis quelques temps déjà, ce nouveau boulot, cette relation qui tourne en rond, cette grand-mère malade. Vous êtes allé droit au but parce que vous savez que le temps vous est compté, reprendre votre souffle serait pour lui une occasion de reprendre la parole et ça ne manque pas, vous avez hésité sur un mot, celui qu’il fallait, le bon, celui qui aurait traduit vos émotions de la façon la plus juste et c’est trop tard, il reprend la main. Julien Lepers se retourne, le compteur se remet à zéro. Vous êtes en droit d’espérer qu’il revienne sur ce que vous venez de lui dire mais il préfère rebondir. Il enchaîne avec un merveilleux “c’est comme” et vous l’avez perdu à nouveau. Vous retenterez, un peu plus tard, mais vous savez très bien que cette prochaine fois, c’est un “ça arrive à tout le monde” qui vous attendra. Ou peut-être qu’il sortira la carte du “allez, une bonne bière et ça ira mieux” et vous trainera dans ce bar où vous ne voulez pas aller, pour vous raconter ces problèmes que vous connaissez déjà et finir, comme chaque fois, bien trop tard, bien trop ivre. Alors il y a ceux qui vont se taire parce qu’à quoi bon parler si personne ne vous écoute ? Ils accepteront de jouer ce rôle, peut-être un peu moins souvent, peut-être un peu moins longtemps, mais ils sauront sourire au bon moment, acquiescer quand il le faut, répondre “ça va” quand ça ne va pas ou pire, retourner cette horrible question sans même y répondre. Et il y a ceux qui vont hurler. Ceux qui, un jour, se lèveront brutalement et renverseront une chaise, ceux qui lui diront, à ce copain, de bien fermer sa gueule, ceux qui claqueront une porte, ceux qui lui mettront le nez dans sa merde et qui l’enfonceront bien profond, si profond que ce pauvre copain passera des heures à se demander ce qu’il a bien pu faire pour mériter ça et finira par remettre la faute sur les hormones, le verre de trop, le sale caractère, bref, sur l’autre.

J’ai réalisé bien trop tard que pour beaucoup de mes chevaux, je suis ce copain là. Pas vous ? (Heureusement pour moi, lorsqu’ils m’ont mis le nez dans ma merde et m’y ont enfoncé bien profond, j’étais bien accompagnée.)

Une définition du bien-être

Clio Marshall

Quand on parle de bien-être, on reste souvent très vague. C’est chouette parce que c’est à la mode, mais est-ce qu’on est bien sûr de tous parler de la même chose ? Nos amis British se sont penchés sur la question dès 1965 et le rapport de Roger Brambell fait référence en la matière. Alors qu’est-ce que ça dit ?

Ça dit que le bien-être est une histoire de physique mais aussi de mental. Et ça met le doigt sur notre responsabilité en tant que propriétaires d’animaux : il est de notre devoir de protéger tout animal domestique de souffrances évitables (et c’est là qu’on prend conscience que les souffrances inévitables ne sont vraiment pas très nombreuses). Brambell parle dans ce rapport des Five Freedoms, qu’on traduira par les cinq libertés. Ces cinq libertés sont un droit pour l’animal et nous, humains, avons le devoir de les respecter. Et je souligne cette dernière phrase en rouge.

Les chevaux, quel que soit leur âge, leur sexe, leur race ou les ambitions qu’on leur prête, ont le droit d’être :

  • Libres de la faim et de la soif (avec un accès à de l’eau fraîche et de la nourriture adaptée qui assurent la bonne santé et la vigueur des animaux).
  • Libres de l’inconfort (en jouissant d’un environnement approprié comportant des aires de repos et d’abri).
  • Libres de la douleur, de la blessure ou de la maladie (grâce à la prévention et à un diagnostic rapide suivi d’un traitement)
  • Libres d’exprimer des comportements naturels propres à l’espèce (grâce à un espace de vie suffisant, un environnement approprié à leurs besoins et des compagnons de la même espèce).
  • Libres de la peur et du stress (grâce à des conditions de vie et des manipulations qui impliquent un minimum de souffrance psychologiques).Tout ceci est aussi applicable aux chiens, aux chats et à tous les animaux domestiques qui nous entourent.

Le bien-être, oui mais

Dans le langage courant, et même lorsqu’on connait la définition du bien-être, on pense souvent à la même chose : apporter au cheval à manger et à boire, un endroit où vivre qui corresponde aux besoins de l’espèce, s’assurer qu’il ne subisse pas d’injures ou de maladies, le soigner. On pense au bien-être lorsqu’on est autour de lui, lorsqu’on s’occupe de lui. Et on évite bien soigneusement de penser à ce terme lorsqu’on le travaille. Pourtant, le bien-être tel qu’il a été défini par le rapport de Roger Brambell (qui fait référence sur le sujet) comporte la phrase suivante (qui peut varier selon les versions mais dont le sens reste le même) : absence de peur et de détresse en veillant à garantir des conditions de vie et un traitement des animaux évitant toute souffrance mentale.

Lorsqu’on choisit de faire de l’équitation, qu’elle soit montée ou non, on choisit de pratiquer notre passion avec un animal vivant qui, de fait, est placé sous notre responsabilité. Au delà du fait qu’on ne devrait pas faire souffrir physiquement nos chevaux lors des manipulations (et le travail, qu’il soit à pied ou monté, est une manipulation), nous ne devrions pas non plus lui infliger une souffrance mentale inutile. Il est de notre responsabilité de professionnelles de réfléchir à des méthodes de travail qui respectent les théories de l’apprentissage, le fonctionnement cognitif du cheval et ses capacités physiques. Il est de la responsabilité des cavaliers et cavalières de s’entourer des bons professionnels.